Tel est le nom que mes patients donnent à mon chat...
Depuis que la visio-consultation est devenue une modalité de travail à part entière dans ma pratique de psychologue, un invité surprise s’est imposé, avec une régularité désarmante : mon chat. Ce compagnon à poils, qui surgit soudainement sur le clavier ou s’installe avec une nonchalance étudiée devant la caméra, est devenu une figure familière pour mes patients. Tous l’appellent affectueusement « le Stagiaire ». Et contre toute attente, ce colocataire félin a su s’intégrer dans le cadre thérapeutique avec une efficacité insoupçonnée.
Un stage non rémunéré… mais très investi
Il faut l’imaginer : pelage gris, museau curieux, pattes qui appuient allègrement sur les touches de mon clavier au pire moment. Il s’invite sans préavis, ronronne avec conviction puis s’allonge devant l’écran, comme pour rappeler à mes patients que la vraie sagesse, c’est le lâcher-prise.
Les premières apparitions du Stagiaire ont suscité des sourires, des rires, parfois de l’émotion. Certains patients l’attendent comme un rendez-vous rassurant, comme une mascotte discrète qui veille sur la séance.
Les vertus inattendues d’un animal en visio
La présence du chat, bien que non sollicitée (je vous jure !), semble jouer un rôle apaisant, presque médiateur. Il humanise l’espace virtuel, brise la froideur d’un écran, introduit une forme de chaleur, de spontanéité, parfois même de réciprocité. Il permet à certains patients de se sentir moins observés, moins seuls aussi.
Des études ont d’ailleurs montré que le simple fait de voir un animal peut réduire le stress, faire baisser le rythme cardiaque, et induire un état de calme. La zoothérapie n’est pas une nouveauté. Mais ici, elle s’invite sans blouse blanche, sans protocole, sans demande. Le Stagiaire fait… ce que font les chats : il existe, il observe, il traverse, il s’installe. Et c’est déjà beaucoup…
Le chat comme tiers dans la relation thérapeutique ?
Cela peut prêter à sourire, mais dans certaines séances, la présence du chat semble faire tiers. Il dédramatise, désacralise, ouvre un interstice. On parle de lui quand on n’ose pas encore parler de soi. On projette sur lui des traits, des humeurs, des élans affectifs. Certains patients l’interpellent, lui parlent, comme pour alléger ce qu’ils n’osent encore me dire.
Et si c’était cela, la magie féline ? Être là, juste là, au bon moment. Sans jugement, sans langage, mais avec une capacité d’accueil hors norme.
Entre humour et présence réelle
Bien sûr, il y a des moments plus délicats : quand le Stagiaire marche sur mon clavier et me met en mode avion, quand il me mord parce que je ne le caresse pas ou parce que je le caresse trop, ou encore quand il décide qu’il est l’heure de manger… maintenant ! Mais même ces interruptions deviennent l’occasion de revenir à l’ici-et-maintenant, de respirer, de décaler l’intensité émotionnelle d’une séance.
Le chat n’a pas lu Winnicott, mais il excelle dans la capacité à être seul en présence de l’autre. Et il nous rappelle, à sa façon, que parfois, être là, simplement, suffit.
De la visio à la vie, une présence qui compte..
Je n’aurais jamais imaginé qu’un chat devienne un co-thérapeute officieux. Il ne prendra jamais de notes et ne supervisera personne. Mais il est là, fidèle au poste, toujours partant pour un ronronnement thérapeutique improvisé. Et une chose est certaine ! Il ne divulguera rien de ce qui se passe en séance. Avec lui, les secrets sont bien gardés.
Alors non, le Stagiaire ne sera pas titularisé. Mais il restera, à sa manière, un acteur discret et bienveillant du soin, un trait d’union entre le virtuel et le vivant, un rappel qu’au cœur même de nos écrans, la chaleur peut encore passer.
Et puis, soyons honnêtes : il n’y a pas meilleure présence silencieuse pour accompagner un moment de vulnérabilité qu’un chat qui dort.