Pour parler de l’Estime de Soi, on utilise souvent des expressions comme « avoir confiance en soi », « être sûr de soi », « être content de soi », etc. Pourtant, ces termes ne désignent pas vraiment ce qu’est l’Estime de Soi. Certains auteurs parlent plutôt de trois éléments pour constituer l’Estime de Soi : l'amour de soi, la vision de soi et la confiance en soi. Le bon dosage de chacune de ces trois composantes est indispensable à l'obtention d'une estime de soi harmonieuse.
L’amour de soi
C'est l'élément le plus important. S'estimer implique de s'évaluer, mais s'aimer ne tolère aucune condition : on s'aime malgré ses défauts et ses limites, malgré les échecs et les revers, simplement parce qu'une petite voix intérieure nous dit que l'on est digne d'amour et de respect. Cet amour de soi « inconditionnel » ne dépend pas de nos performances. Il explique que nous puissions résister à l'adversité et nous reconstruire après un échec. Il n'empêche ni la souffrance ni le doute en cas de difficultés, mais il protège du désespoir.
L'amour de soi dépend en grande partie de l'amour que notre famille nous a prodigué quand nous étions enfant et des « nourritures affectives » qui nous ont été prodiguées.
Les carences d'estime de soi qui prennent leur source à ce niveau sont sans doute les plus difficiles à rattraper. On les retrouve chez des sujets dont la manière d'être avec les autres les pousse régulièrement au conflit ou à l'échec.
S'aimer soi-même est bien le socle de l'estime de soi, son constituant le plus profond et le plus intime. Pourtant, il n'est jamais facile de discerner chez une personne, au-delà de son masque social, le degré exact de l'amour qu'elle se porte.
La vision de soi
Le regard que l'on porte sur soi, cette évaluation, fondée ou non, que l'on fait de ses qualités et de ses défauts, est le deuxième pilier de l'estime de soi. Il ne s'agit pas seulement de connaissance de soi (l'important n'est pas la réalité des choses), mais la conviction que l'on a d'être porteur de qualités ou de défauts, de potentialités ou de limitations.
En ce sens, c'est un phénomène où la subjectivité tient le beau rôle ; son observation est difficile, et sa compréhension, délicate. C'est pourquoi, par exemple, une personne complexée - dont l'estime de soi est souvent basse -laissera souvent perplexe un entourage qui ne perçoit pas les défauts dont elle se croit atteinte.
Si, au contraire, nous avons une estime de soi déficiente, une vision de soi trop limitée ou timorée nous fera perdre du temps avant que nous ne trouvions notre « voie».
Ce regard que nous portons sur nous-même, nous le devons à notre environnement familial et, en particulier, aux projets que nos parents formaient pour nous. Dans certains cas, l'enfant est chargé inconsciemment par ses parents d'accomplir ce qu'ils n'ont pas pu ou pas su réaliser dans leur vie.
C'est ce que Boris Cyrulnik appelle « l'enfant chargé de mission ». Une mère ayant souffert du manque d'argent incitera ses filles à ne fréquenter que des jeunes garçons de familles aisées. Un père ayant raté ses études poussera son fils à intégrer une grande école. De tels projets sont légitimes, mais à la condition que la pression sur l'enfant ne soit pas trop forte et tienne compte de ses désirs et de ses capacités propres. Faute de quoi, la tâche sera impossible pour l'enfant, qui sera victime de son incapacité à réaliser la grande vision que ses parents caressaient pour lui. Le fait de ne pas prendre en compte les doutes et les inquiétudes d'un enfant peut ainsi engendrer chez lui, ultérieurement, une profonde vulnérabilité de l'estime de soi.
Dans d'autres cas, une vision de soi limitée poussera le sujet à la dépendance vis-à-vis d'autrui : on peut établir des relations satisfaisantes avec les autres, mais on se limite au rôle de suiveur, on ne passe que sur des voies déjà explorées par d'autres. On a du mal à construire et à mener à bien des projets personnels.
La confiance en soi
Troisième composante de l'estime de soi avec laquelle on la confond souvent, la confiance en soi s'applique surtout à nos actes.
Être confiant, c'est penser que l'on est capable d'agir de manière adéquate dans les situations importantes.
La confiance en soi peut donc sembler moins fondamentale que l'amour de soi ou la vision de soi, dont elle serait une conséquence. C'est en partie vrai, mais son rôle nous semble primordial dans la mesure où l'estime de soi a besoin d'actes pour se maintenir ou se développer : des petits succès au quotidien sont nécessaires à notre équilibre psychologique, tout comme la nourriture et l'oxygène le sont à notre équilibre corporel.
D'où vient la confiance en soi ? Principalement du mode d'éducation qui nous a été prodigué, en famille ou à l'école.
Les échecs sont-ils présentés à un enfant comme une conséquence possible, mais non catastrophique, de ses actes ? Est-il récompensé pour avoir essayé autant que pour avoir réussi ? Comment lui-apprend-on à tirer les leçons de ses difficultés, au lieu d'en conclure vaudra mieux ne pas agir ? La confiance en soi se transmet par l'exemple comme par le discours. Encourager un enfant à accepter l'échec quand on ne procède pas soi-même ainsi ne sert pas à grand-chose. Les enfants savent que les vraies convictions des adultes se jugent plus à leurs actes qu'à leurs propos.
Ne pas redouter outre mesure l'inconnu ou l'adversité témoigne d'un bon niveau de confiance en soi.
Certes, une confiance en soi insuffisante ne constitue pas un handicap insurmontable. Mais les personnes qui en souffrent sont souvent victimes d'inhibition, sensible notamment dans de petits actes quotidiens comme écrire une lettre, passer un coup de téléphone, etc.
Sources bibliographiques :
ANDRE Ch. & LELORD, F. (1999) Estime de Soi. S’aimer pour mieux vivre avec les autres. Paris. Ed. : Odile Jacob
CYRULNIK, B. (1993) Les Nourritures affectives. Paris. Ed : Odile Jacob
CYRULNIK, B. (1989) Sous le signe du lien. Paris. Ed : Hachette